Texte Simon Grangeat
Mise en scène Tal Reuveny
Avec Omar Salem
Création costume et scénographie Goni Shifron
Musique et création sonore Jonathan Lefèvre-Reich
Musique Khaled Aljaramani
Voix off Khaled Aljaramani, Samira Boufelghed, Soulafa Oueshek Helou, Elisa Poli
Le dispositif 4 x 4
Un dispositif qui débute par la rencontre entre un lieu et un auteur ou une autrice et se conclue avec la création d’une forme théâtrale afin de rendre spectaculaire des lieux de notre quotidien.Porté par les Tréteaux de France, en collaboration avec La Chartreuse, le Centre international de la langue française et Totem, le projet 4 X 4 commence par une commande de texte à des auteurs ou autrices de la francophonie. Ces textes devront s’inspirer de lieux communs à tous les territoires (un vestiaire, un banc public, une salle de conseil municipal, un skateparc...) et s’adresser à tous les publics, dès le plus jeune âge.
Avec le dispositif 4 X 4, la rencontre fait partie de chaque étape de création :
Lors de l’écriture, en provoquant la rencontre entre un lieu et une autrice ou un auteur qui ira à la rencontre des habitants pour collecter leurs paroles ;
Lors de la création, en mettant en lien un auteur avec une équipe artistique, puis une équipe artistique avec les habitants du territoire ;
Lors de la représentation, en initiant une rencontre entre des spectateurs et un lieu de leur quotidien qui, par le surgissement inopiné du théâtre, sera redécouvert.
Quelle histoire pourrait naître dans une salle des mariages ou un gymnase ? Comment le metteur en scène investit une bibliothèque ou un garage municipal ? Quelle scénographie résonnera dans une salle des fêtes ou la salle des archives ? Comment mettre en lumière la salle du conseil municipal ou la salle des profs au collège ? Comment les comédiens prennent la parole dans une église ou un bar ?
Comment quitter une culture pour une autre ?
Comment plonger dans un tout autre monde, au risque de s’y perdre ?
Taym à 9 ans lorsqu’il arrive en France, fuyant la violence de son pays. Avec ses parents, il a quitté sa culture, ses racines, sa langue. Alors quand il arrive ici, le français, partout, tout le temps, autour de lui, ça fait comme du bruit. Jamais des phrases, jamais du sens, juste du bruit.
Un jour, Taym ferme sa bouche à triple tours et se tait. Parler, pour quoi faire ? De toute façon personne ne le comprendrait.
Face au mutisme du petit garçon, son père, sa mère, sa grand-mère, ses camarades son maître puis sa maîtresse tentent de l’accompagner. Chacun à leur manière, ils le guident sur le chemin d’une nouvelle langue qui viendrait s’additionner à l’ancienne, sans la remplacer.
Dans le cadre du projet 4x4, le texte de Simon Grangeat Au bout de ma langue - انا لا اشتكي m’a immédiatement interpellée. En tant que metteuse en scène étrangère arrivée en France il y a dix ans sans parler la langue, je suis profondément touchée par la justesse avec laquelle il capture cette expérience du déracinement. Cette sensibilité rare dans son écriture, cette compréhension fine des silences qui habitent l’enfant réfugié, résonnent intimement avec mon propre parcours et renforcent ma conviction artistique de porter cette histoire sur scène.
Une mairie. Un jeune homme de 18 ans s’apprête à demander, enfin, sa première carte d’identité française. Dans ce lieu symbolique de la République, ses souvenirs affluent. Ils le ramènent neuf ans en arrière, lorsque, petit garçon ayant fui la guerre en Syrie avec sa famille, il découvre pour la première fois ce pays qui va devenir le sien. Face à la violence symbolique d’une langue inconnue, il choisit alors le silence comme refuge, comme une barrière protectrice entre ces deux mondes qui semblent irréconciliables.
Ce silence, pourtant, n’est pas vide. Il est peuplé de voix, de musiques, de souvenirs qu’il a enregistrés lui-même sur de vieilles cassettes - témoignages sonores d’une époque où les mots français lui échappent encore. Ces enregistrements, capturés grâce à un magnétophone offert par une enseignante bienveillante, deviennent les fils conducteurs de son récit : la voix de son père musicien chantant en arabe, celle de sa grand-mère racontant des histoires par téléphone depuis là-bas, ou encore sa mère s’aventurant maladroitement dans ses premiers mots français.
Ces fragments de vie, ces archives intimes, tissent une toile sonore entre le passé et le présent, entre ici et là-bas.
Cette création s’inscrit dans ma recherche artistique plus large sur le pouvoir des voix enregistrées comme passerelles entre les êtres, les époques et les cultures. Après avoir exploré, dans ma précédente création, la relation mère-fille à travers des archives sonores familiales captées au moment où une mère perd l’usage de l’ouïe, je poursuis ici mon questionnement sur la manière dont la voix - présente ou absente, retrouvée ou perdue - façonne nos identités et nos liens aux autres.
Dans cet espace administratif où de nombreux destins se jouent chaque jour, j’explorerai la question fondamentale du déracinement : sommes-nous condamnés à être une fissure entre deux mondes, ou pouvons-nous devenir le pont qui les relie ?
Ce spectacle s’adressera aux jeunes spectateurs dès 9 ans, mais aussi à leurs parents, car il interroge notre rapport à l’autre, à l’ailleurs, et à cette part d’étranger qui existe en chacun de nous. À l’heure où tant d’enfants traversent des frontières et doivent reconstruire leur monde dans une nouvelle langue, Je ne me plains pas porte un message d’espoir : celui qu’entre deux rives, on peut construire des ponts.
Tal Reuveny
Production Tréteaux de France, Centre dramatique national
Coproduction TOTEM, Scène conventionnée Art Enfance Jeunesse | MAIF Social Club, Paris
Avec le soutien de la Direction de la culture de la Ville d’Aubervilliers
Spectacle créé dans le cadre du dispositif 4X4 impulsé par les Tréteaux de France en collaboration avec les Centres culturels de rencontre : La Chartreuse et la Cité internationale de la langue française, et le TOTEM, Scène conventionnée Art Enfance Jeunesse
Omar Salem
Salem Omar acteur et danseur d'origine palestino-algérienne venant de la ville de Nanterre dans le 92. Ayant fait mes débuts avec la compagnie de Breakdance Addicteam dirigé par Guillaume Beauregard, je me suis ensuite fait remarquer à l'écran avec le film Ya Hanouni.
Jonathan Lefèvre-Reich
Jonathan Lefèvre-Reich est un musicien et ingénieur du son trinational diplômé de la Formation Supérieure aux Métiers du Son du CNSMDP.
Passionné de spectacle vivant et nourri par une double culture musicale classique et pop, il opère autant comme ingénieur du son, arrangeur/producteur/mixeur en musiques actuelles (Ex:Re, Evergreen, Forever Pavot, Ji Drû & Sandra Nkaké, Para One, August and After), preneur de son en musiques acoustiques (Stephanie-Marie Degand, Marianne Croux, Michalis Boliakis), créateur sonore ou sonorisateur (Phia Ménard, Josephine Stephenson, Emmanuel Olivier, Cola Boyy, Chien Méchant, Cie Nachepa) et également claviériste et bassiste sur scène (Evergreen, Michael Wookey, nit & Octopop, France Chébran).
Il est membre permanent du groupe Evergreen depuis 2021.
Goni Shifron
Diplômée en scénographie de l’École nationale supérieure des Arts Décoratifs en 2016, Goni développe depuis une démarche à la croisée de l’art contemporain et de la scénographie. En 2020, elle inaugure sa première exposition personnelle For intérieur à la galerie Fabre (Paris). En 2022, elle crée la scénographie de la pièce Sans Faire de Bruit (compagnie Nachepa). Elle reçoit également le Prix Fabuleuse Signature de la Fondation Signature, grâce auquel elle expose au Petit Palais et à l’Opéra-Comique. En 2023, elle rejoint la programmation performative de l’exposition Zone de contact à Poush, à Aubervilliers. En 2024, dans le cadre d’un projet croisant art et science, elle présente une performance à la galerie Paradigm à Philadelphie (États-Unis) et obtient la prestigieuse bourse de recherche HSFP. En novembre de la même année, elle dévoile sa deuxième exposition personnelle, Ellipse, à la Philharmonie de Paris.